Nouvel article actualisé avec les dernières pratiques du design de service en 2020
” Service Design Thinking, Design de Service, Design Thinking, “Juste des nouveaux mots à la mode “?
Est ce la même chose que l’innovation Service tel que le voit les méthodes d’innovation du marketing apprise dans les écoles de commerce ?
Pas tout à fait ! “Car le Design de Service n’est pas encore enseigné dans les écoles de commerce ! A l’ère où les start ups viennent “hacker” les modèles des grandes entreprises, les méthodes d’innovation incrementales ou purement techno, ont été ébranlées par des méthodes au carrefour de plusieurs disciplines.
Et il ne s’agit pas que d’agilité …
Au point que l’innovation produit s’inspire de plus en plus des modèles qui ont émergé du coté des services. Car c’est là que l’ingéniosité des innovations de “rupture” s’est accéléré.
En quelques années le Service Design Thinking, est devenu une discipline, au carrefour du Design Thinking, du “User eXperience”, du marketing et du “Customer Experience Management”. Car c’est à ces confins que se développent des nouveaux savoir faire hybrides…
Qu’est ce qui change vraiment ? Voilà en 5 points, pourquoi le “Service Design” bouleverse la manière de penser le design d’expérience et le “marketing de l’innovation as usual” …
# 1 : UN PRINCIPE INNOVATION DE SERVICE EN MODE "DESIGN" : “SORTEZ DE VOTRE BUREAU !”
J’ai vu souvent des tentatives de faire de l’innovation avec comme simple effort d’exploration, du benchmarking …
Le conseil en Design de Service, s’appuie sur une seule réalité : celle des usages de l’humain, celle de l’observation réelle, puis de la détection et la mise en évidence collective de nouveaux “insights”. Trop souvent les marketers conçoivent des services dans leur bureau, sans avoir vu un seul client ou utilisateur…
On conçoit alors des “offres” avec le risque de sur-valorisation des concepts aux dépends des usages réels …
Le Design de Service réapprend à observer pour comprendre, passer du temps à interagir avec ses utilisateurs, à s’approprier les méthodes de shadowing (observation), d’interviews semi-structurées, ou conversations dynamiques chères à la “Stanford d.school” (2), et finalement “perdre du temps” à comprendre.
C’est pourquoi une phase d’exploration est toujours pré-existante à toute démarche de Services Design. Elle doit servir à comprendre ses futurs utilisateurs de services, en élargissant la compréhension à l’ensemble de son écosystème (carte d’écosystème).
#2 : L’ÉNERGIE DU DESIGN THINKING : LA PENSÉE “SYMPHONIQUE”
Il faut le dire, dans certaines entreprises on pense que l’on innove plus et mieux parce que on a mis en place “des process”, et des “diplômés” dans la salle. Changement d’époque …
Dans le Design de Service il y a une nouvelle manière de penser l’innovation de manière beaucoup plus ouverte, plus hybride, plus visuelle, plus empirique, itérative, plus créative, participative, et agile, moins linéaire que dans l’ancien monde.
Ce double cœur est alimenté par un fluide, une nouvelle énergie : un mode de pensée plus latéral, un mode de pensée “symphonique” dirait Daniel Pink (*), en faisant fonctionner ses deux cerveaux de concert, le cerveau rationnel / logique et le cerveau créatif / émotionnel / intuitif.
C’est cette énergie là qui va permettre deux choses:
- développer la capacité de l’organisation à comprendre l’humain sur un spectre beaucoup plus large
- décupler l’hybridation des équipes et fertiliser les modes de pensées.
Pour provoquer l’innovation il faut d’abord faire sa propre transformation …
#3 : LE BRIEF EST MORT ! VIVE LE CADRAGE COLLECTIF !
Dans le monde du marketing, on utilise assez fréquemment un outil modulable appelé, “brief”.
En Design de Service il y a une vraie rupture en soi dans la manière d’orchestrer et de penser le cadrage. Ce n’est qu’une fois que l’on a partagé le fruit de son exploration en collectif et synthétiser ce que l’on a compris des problèmes d’expérience utilisateurs à résoudre, … que l’on définira collectivement un “document de cadrage”.
“Les innovations sont presque toujours le fait d’explorateurs individuels ou de petites équipes. Quasi jamais le fait des bureaucraties.”
~ Harold J. Leavitt
Quelles questions se poser pour son “Framing”. Voici quelques questions clefs pour cadrer sa phase de “Design” :
- Qu’avons nous appris de nos utilisateurs (persona) qui bouleverse notre manière de voir?
- Quels sont les 3 problèmes majeurs de l’expérience utilisateurs que nous souhaitons résoudre et challenger ?
- Quelles sont les dimensions du service que nos clients sont prêts à payer (plus cher) ?
- Quels sont les 3 facteurs clefs qui conduiront des utilisateurs à recommander spontanément notre (nos) service(s)?
Laissez donc les briefs de coté et adopter le framing du “Service Design” !
# 4 : ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE À FORT NIVEAU DE “QE”
Il fut un temps où les porteurs de projets innovation travaillaient chacun sur un projet, sur des évolutions de fonctionnalités, ou sur une technologie.
L’inconvénient de ce type d’organisation est que cela amène bien souvent une innovation tout juste incrémentale, en répondant à des besoins de manière morcelée. Donc en n’y répondant pas.
Le processus du Design Thinking ou du Design de Service est totalement inclusif . Ce qui change par rapport à l’ancien monde ?L’équipe est pluridisciplinaire dés le départ et elle est embarquée à toutes les phases de l’innovation.
“Pour naviguer et tenir leur cap, le capitaine et son équipage ont besoin d’un quotient émotionnel élevé”
Tous les co-équipiers sont co-propriétaires ce qui favorise la création d’une énergie mobilisatrice. Elle décuple la capacité à dépasser les modèles établis, et inspire bien davantage que les traditionnels mode projet.
Mais une démarche de Design de Service nécessite un capitaine de vaisseau. Il saura bien prendre en compte à la fois tous les enjeux internes, et intégrer une nouvelle manière d’être. En ayant deux qualités majeures : être humble et solidaire.
# 5 : QU'EST CE QUE LA POSTURE “LEARN BY DOING” DU DESIGN DE SERVICE ?
Dans une phase finale, on pratiquera le “learn by doing” en mode intégral.
On est pas loin du “test and learn” du marketing. Mais avec une différence fondamentale : on ne cherche pas le concept innovant parfait dés la première fois (tant pis pour l’égo des marketers !).
On va chercher à concrétiser des concepts imparfaits pour apprendre rapidement et identifier quel est le bon chemin à prendre. Cela peut éviter des mois de développement, de process inutiles. Mais comment concrétise-t -on ? Via du prototypage rapide, ne serait-ce que des scénarios d’usage de services, des story boards de services, des wireframes …
Une philosophie pour initier une démarche d’innovation de rupture :
“Learn by doing”
Car c’est dans la confrontation avec la réalité des utilisateurs que l’innovation Service Design prend tout son sens.
Puis on reconstruit en intégrant ce que l’on a compris, puis on ré-itére à nouveau pour continuer à converger vers la solution optimale …
Les fondateurs de AirBnB, Blablacar, Leetchy, Youbox, Evaneos, Mydoctool, …ais ils ont un certainement don initial : comprendre les changements d’usages, pointer les gaps d’expérience, sources d’opportunités de création de valeur pour l’humain avant tout…
# 6 : QUELLE BOITE À OUTIL POUR LE SERVICE DESIGNER ?
Plus d’une centaine sont disponibles permettant à chaque phase d’aller s’équiper pour explorer, diverger, comprendre … Mais aussi décider en collectif, cartographier, créer, designer, prototyper, tester, apprendre , itérer, …
Quels sont les outils du Design Thinking ? Voici la liste ” Survival kit” qui est non exhaustive bien sur:
- 1. Shadowing
- 2. Interviews empathiques
- 3. Les personas
- 4. Customer journey map ou Expérience Map
- 5. Service Blueprint
- 6. How Might We (problem solving)
- 7. Sprint de services
- 8. Service Storyboarding
- 9. Prototypage rapide (maquettes, wireframe,…)
- 10. Business model Canvas
Nous développerons ces outils dans un prochain article. En attendant et pour en savoir plus, vous pouvez consulter un ouvrage de référence : “This is Service Design” (4).
Pour terminer, n’oublions pas que pour provoquer l’innovation services il faut libérer l’énergie créatrice en l’inscrivant dans une unité de temps et si possible de lieu.
Il faudra au moins de 4 ou 5 ateliers pour prétendre à une démarche “innovante”, libérer complètement les possibles, et ce, dans un temps concentré, pour garder intacte l’énergie.
Quant au lieu, il est fortement conseillé de dédier une “war room” à une démarche de design d’expérience ou d’innovation service, C’est là que l’on conserve aussi l’esprit de l’équipage, que l’on consulte les étapes franchies ensemble, et le chemin à parcourir jusqu’à, pourquoi pas, le service totalement disruptif qui révolutionnera le tourisme, l’assurance ou la santé de demain ?
Philippe Neveu
- (1) Daniel Pink – The Whole new mind https://en.wikipedia.org/wiki/A_Whole_New_Mind
- (2) School, de son nom officiel, le Hasso Plattner Institute of Design l’école de design de l’université Stanford, en Californie : http://dschool.stanford.edu/
- (3) Service Design Network, le réseau mondial du Service Design : https://www.service-design-network.org/
- (4) Service Design Thinking – M. Stickdorn and J.Schneider (2010). This is Service Design Thinking. Amsterdam, BIS Publishers.